- Apr 3, 2024
Comment vaincre la peur de gagner ?
- Jean-Michel Pequery (Instinct Padel)
Beaucoup de joueurs parlent régulièrement de la difficulté à finir les matchs. Au moment où ils se retrouvent en position de gagner, ils sentent le stress monter et, ainsi, une forme d’urgence à terminer la partie. Quand ils doivent servir pour le match, ils deviennent nerveux à l’extrême.
Ils appellent cela la « peur de gagner ». Et pourtant, l’objectif premier de tout joueur n’est-il pas justement de gagner ? Voici quelques conseils pour gérer au mieux cette fameuse « peur de gagner ».
Pourquoi perd-on pied si près du but ? D’un point de vue conscient et logique, mener dans une partie s’apparente pourtant à une bonne nouvelle. Ce qui n’empêche pas certains joueurs de sentir que la partie est en train de leur échapper complètement. A contrario, c’est à ce moment-là que ceux qui perdent se mettent à jouer leur meilleur niveau. Paradoxalement, ils commencent à se sentir calmes, détendus et en maîtrise sur le terrain. Ce qui paraît tout aussi illogique. Pourquoi se détendre alors qu’on est en train de perdre ?
Jouer pour ne plus échouer
« Tu sais, je crois que j’ai peur de devenir fort. » Cette phrase prononcée par un joueur est le résultat de ce qu’il vit à chaque fois qu’il se retrouve dans une situation où il est en position de gagner un match ou qu’il mène dans un tournoi. Il perd alors complètement ses moyens et ne parvient pas à conclure la partie. À ses yeux, cela signifie qu’il n’a pas assez envie de gagner. Pourtant, gagner n’est pas le problème. Bien au contraire. Ce qui pose souci, c’est de savoir gérer les émotions que génère une telle position. Dans beaucoup de situations, l’envie et la volonté sont des émotions positives qui aident à surmonter des obstacles. Mais dans le cas présent, elles ne font qu’engendrer un surplus de stress. Et le mécanisme est le suivant : lorsqu’on mène, qu’on est près de gagner, le cerveau a tendance à s’emballer et à se projeter dans un futur proche. « Je suis sur le point d’obtenir tout ce que je souhaite, d’enfin atteindre mon objectif. J’y suis presque ! » Soudain, le cerveau revient au moment présent et réalise que rien n’est encore joué, qu’on est encore sur le terrain et que tout peut encore basculer. À ce moment- là s’opère un « court-circuit », entendre par là un décalage complet entre ce qui se passe dans votre for intérieur, et ce qui se passe à l’extérieur (la réalité du score). L’attention est alors fixée sur tous les obstacles qui se dressent entre soi et la réussite. Et malgré la meilleure volonté, on commence à jouer pour ne plus échouer, pour chercher à conserver l’avantage. On est de plus en plus concentré sur le score et on ne s’autorise plus à rater une seule occasion. Une fois de plus, il y a une différence notable entre ce qui se passe réellement (conscient), « Je mène », et ce que l’on perçoit (inconscient), « Je ne peux plus me permettre de rater la moindre occasion ».
Revenir à la réalité du score
Prenons l’exemple d’un joueur qui, après avoir gagné le premier set, a beaucoup de balles de break dans le second. Il domine clairement le match et, de l’extérieur, semble maîtriser son sujet. On a l’impression que ce n’est plus qu’une question de temps pour qu’il remporte la victoire. Mais plus les occasions s’accumulent, plus il devient nerveux. À tel point que le match peut basculer. Lors du changement de côté, il dit à son coach : « C’est dur, j’ai plein d’occasions et je n’en gagne pas une. » Il faut alors se replonger dans la réalité : « C’est dur pour qui ? Tu préférerais être à la place de ton adversaire ? » Le joueur a besoin de revenir à la réalité du score et de prendre conscience que son ressenti du moment est en total décalage.
Reconnaître la situation
On ne peut agir sur quelque chose qu’une fois qu’on en a pris conscience. Il est donc très important de reconnaître les premiers signes qui montrent qu’on est atteint par la « peur gagner ». Pour certains, cela peut être une allure plus rapide, pour d’autres une concentration portée sur le score ou encore des sensations de stress qui arrivent. On voit aussi beaucoup de joueurs se mettre à parler énormément à leur partenaire et à repérer, à ce moment- là, tout ce qu’il fait de mal. Il ne faut pourtant jamais être dans le déni ! Mieux vaut accepter ces nouvelles émotions. Il faut alors se recentrer sur soi et profiter de chaque moment où on ne joue pas pour essayer d’agir dessus. Par exemple, essayer de bien respirer, de prendre un maximum de temps pour prendre soin de soi. Ne surtout pas faire l’erreur d’enchaîner les points et de croire que la qualité de son padel va, à elle seule, permettre de gagner le match sans avoir fait d’efforts pour gérer le stress. Il faut garder son rythme et utiliser les changements de côté pour se déconnecter du jeu. Boire de l’eau, manger, être pleinement centré sur ce qu’on est en train de faire. Et au moment de reprendre le jeu, essayer de mettre en œuvre les trois conseils suivants :
Ramener son attention sur la réalité du score. Se rassurer mentalement. S’accorder le droit à l’erreur. « Je suis en train de mener et même si je manque une occasion ou un jeu, je peux encore gagner le match. » Il s’agit à cette première étape de prendre un peu de recul par rapport à la situation et d’essayer de l’analyser de manière objective, sans faire intervenir ses émotions.
Se reconnecter avec ce qui a permis de mener au score jusqu’à présent. Cela peut être, par exemple, la tactique ou l’engagement physique. L’idée est de porter à présent toute son attention sur ce que l’on a à faire, plutôt que sur ce qui pourrait se passer. Puisque cet aller-retour mental dans le futur est anxiogène, il faut absolument tenter de rester dans le moment présent. Comment s’y prend-on ? Une bonne technique consiste à se refixer des objectifs de jeu très clairs, à organiser son jeu autour de coups dans lesquels on a confiance, à jouer des zones de jeu dans lesquelles on se sent bien. Même si l’on perd un jeu et qu’on maintient la même tactique, il est tout à fait possible de gagner ce match. La priorité n’est donc plus le score, mais de continuer à jouer la bonne tactique avec le bon engagement.
Lorsque l’on perçoit chez son coéquipier des signes de stress, ne pas essayer de lui donner des conseils du genre « Arrête de stresser », « Relâche- toi ». Au contraire, prendre le temps de lui parler calmement. Le rassurer s’il loupe une balle en lui disant que ce n’est pas grave et qu’on a toujours confiance en lui. Lui parler de ce qu’il a bien fait depuis le début du match. Il faut lui refixer des tactiques simples, évoquer ce qu’il a à faire plutôt que ce qu’il ne doit pas faire. Il est important de surveiller son langage corporel afin qu’il puisse transmettre les bons messages dans ces moments- là. Autrement dit, si on demande à son partenaire de garder son calme, adopter une attitude relâchée et un ton posé en s’adressant à lui.